Jean-Yves Tadié, professeur émérite à la Sorbonne (Paris IV), vice-président de la Société des Amis de Marcel Proust, biographe et spécialiste de l’écrivain, il a dirigé, en 1987, la nouvelle édition d’À la recherche du temps perdu dans la Bibliothèque de la Pléiade, couronnée en 1988 par le prix de l'Académie française.
Vous avez introduit le livre de Pedro Corrêa do Lago, Marcel Proust, une vie de lettres et d'images, dans lequel vous dites notamment que la collection est une œuvre d’art, parce qu’elle est une « construction organique » en citant Zweig, lui-même grand collectionneur. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Jean-Yves Tadié Pedro do Corrêa m’a parlé de ses collections (environ 100 000 pièces) et plus particulièrement de celle qui concerne Proust, au moment où nous préparions à Paris, au musée Carnavalet, une exposition intitulée « Marcel Proust, un roman parisien » pour commémorer le 150e anniversaire de la naissance de l’écrivain, et pour laquelle il a prêté généreusement beaucoup de documents, notamment des photographies. Publier cet ensemble proustien qui compte 450 pièces dans un bel ouvrage m’a paru évident et je l’ai encouragé et conseillé dans ce sens. Il a véritablement reconstruit la vie et l’œuvre de l’écrivain au gré de ses achats dont un certain nombre sont des inédits, et lorsque ce ne sont pas des documents autographes mais des photos, des livres, des affiches, des journaux, c’est toujours de première main. Nous avons conçu ce livre par ouverture de deux pages sur un thème, et ces thèmes se succédant restituent un horizon culturel en un habile montage, grâce notamment au service artistique de Gallimard. À peu près deux ou trois documents originaux de la collection de Pedro sont reproduits par ouverture de page. C’est un Proust nouveau, en tout cas un Proust vivant, qui est présenté. Les lettres sont retranscrites dans leur intégralité à la fin de l’ouvrage.
Chaque document dicte la construction du livre. « La vie de Proust est ici racontée par l’image », écrivez-vous.
J-Y.T. Oui, quand il est question de l’enfance, les documents qui s’y rapportent ont été choisis, de même pour la publication de Du côté de chez Swann, pour les principaux amis de Proust... Pour chaque moment de la vie, il fallait trouver la lettre, le manuscrit, la photographie. Par exemple, Louis d'Albufera, de la noblesse d’Empire, dont Proust a été amoureux, a inspiré le personnage Robert de Saint-Loup. Il y a deux pages sur lui dans le livre, un portrait de sa maîtresse, Louisa de Mornand, modèle du personnage de Rachel et la reproduction d’une lettre inédite de Proust qui lui est adressée.
La vie de Proust est en effet racontée par l’image mais cela ne veut pas dire que ce soit primaire. L’image guide la trajectoire. Le livre est assez complet puisqu’il a un côté visuel et écrit. L’un ne va pas sans l’autre et les deux aident à la compréhension. Comme Proust a vécu à une époque clé de l’histoire de l’Europe, de 1871 à 1922, on a tout l’avènement du monde moderne, le passage de la voiture à cheval à la voiture à moteur par exemple, la Grande guerre, l’affaire Dreyfus… On revit, grâce à d’étonnants documents, des événements capitaux qui font partie de son existence et qui présentent en même temps un intérêt historique.
Qu’apporte à votre avis un document autographe original ? Que transporte-t-il avec lui ?
J-Y.T. Il apporte beaucoup d’émotion. C’est d’abord tout ce qu’il nous reste d’un homme dont on n’a jamais entendu la voix. Cette idée m’est commune avec Pedro : on revit les moments où un grand auteur a déposé ses mots sur la page, c’est un peu comme s’il était présent. À partir de l’écriture, on remonte au porte-plume, et à la main qui le tient, puis à l’homme qui était là et on a l’impression qu’il est presque avec nous.
Pour les amateurs d’autographes, c’est une émotion incroyable que l’imprimé ne transmet plus. Il y a la matérialité du papier, parfois des traces de café – Proust disait qu’il en buvait jusqu’à quinze tasses par jour, comme Balzac –, et les corrections, les ratures, les rajouts et les habitudes orthographiques. L’édition imprimée comporte parfois des erreurs, des suppressions et revenir à l’autographe original permet d'être fidèle au texte. Les ratures peuvent instruire aussi, elles ne sont pas toujours notées dans les éditions. On peut voir ainsi le premier jet, de quelle façon il a été modifié. Il y a également les formats qui différent suivant les sujets et dont on ne se rend plus compte à la lecture d’un livre imprimé : des lettres de seize pages, de deux ou d’une seule, parfois. C’est une variante des manuscrits.
Proust synthétisait en un personnage (on le voit notamment dans le livre de Pedro Corrêa do Lago) plusieurs peintres, plusieurs musiciens…
J-Y.T. En effet, Proust avait toujours plusieurs modèles pour un personnage. On se tromperait en pensant qu’il transpose entièrement une seule personne. Il fait des mélanges et il métamorphose. La célèbre duchesse de Guermantes est inspirée par plusieurs dames dont la Comtesse Greffulhe, la comtesse de Chevigner et Madame Strauss. Au moins trois figures féminines. L’une pour l’élégance et le physique, une autre pour le regard et le profil au nez d’aigle, et la troisième pour les mots d’esprit. En se reconnaissant dans le portrait de la duchesse de Guermantes, la Comtesse Laure de Chevigner était mécontente et a brûlé toutes les lettres de Proust. Jean Cocteau, qui était son voisin, lui a dit : « Mais vous ne pouvez pas demander aux insectes d’aimer Fabre ! », Jean-Henri Fabre était l’entomologiste qui avait écrit la Vie des insectes…
Un peintre impressionniste américain qui s’appelle Alexander Harrison apparaît dans Jean Santeuil et il est un des modèles du peintre Elstir. Proust a bien connu Édouard Vuillard sur la côte normande et il met dans la bouche de son personnage des mots un peu grossiers que Vuillard employait. On distingue aussi ses tableaux de la côte normande dans les descriptions que Proust fait de ceux d’Elstir.
D’autre part, nous connaissons encore certains artistes uniquement grâce à Proust. Le peintre Maxime Dethomas, contemporain de l’écrivain, qui a peint notamment Venise, aurait sombré dans l’oubli si Proust n’en avait pas parlé et s’il n’avait pas correspondu avec lui. Même Jacques-Émile Blanche, qui est un grand portraitiste, a été longtemps « maintenu en vie » parce qu’il avait fait le portrait de Proust. Alors que ce n’est pas le meilleur qu’il ait peint. Il y a aussi Paul Helleu dont on se demande s’il serait aussi recherché pour ses estampes, s’il n’avait pas été l’ami de Proust. Il a fait deux superbes gravures de Proust sur son lit de mort. Quant au compositeur et critique musical, Reynaldo Hahn, dont je publie le Journal chez Gallimard (parution le 17 novembre), est-ce qu’on en parlerait autant s’il n’avait pas été l’ami très intime de Marcel Proust ?
Un grand nombre de dessins étaient insérés dans les lettres adressées à son ami Reynaldo Hahn, justement…
J-Y.T. C’est très curieux parce qu’il lui a envoyé près de deux cents dessins et il n’en faisait que pour lui. Des dessins qui ne sont pas des œuvres d’art, loin de là, mais qui sont humoristiques et pleins de fraîcheur. Ce sont des copies de cathédrales, de tableaux, de personnages, des caricatures. Il lui arrivait aussi de dessiner en marge de ses manuscrits.
Chaque être a son point de vue sur le monde dans La Recherche… Il s’agit d’une vision du monde psychique, d’un univers vu à travers un microscope. Quelle est la spécificité de la phrase « proustienne » ? Est-ce cette vision qui détermine le style de Proust ?
J-Y.T. Elle détermine le style de Proust en ce sens qu’il s’agit d’une vision très complexe qui va de l’extérieur à l’intérieur, et qu’il faut imaginer les phrases qui englobent la complexité du monde. Si vous voyez le monde simplement, vous pouvez écrire des phrases simples, mais si vous le voyez d’une manière compliquée, vous êtes amené à cette structure de propositions principale / subordonnée / circonstancielle à quoi se greffent des images avec des « comme », « comme si », « tel ». La phrase « proustienne » est construite à la manière latine, c'est-à-dire très structurée, et comporte des images poétiques, des éléments comiques et des éléments de connaissance. Elle passe de la particularité du propos ou d’un événement ou d’un trait de visage à une loi générale, comme un moraliste, un La Rochefoucauld ou un Molière. Ce ne peut donc être dit en quelques mots. Roland Barthes a écrit un livre superbe : Le degré zéro de l’écriture. Le degré zéro de l’écriture n’est pas du tout un jugement moral d’ailleurs, c’est celui d’Annie Ernaux par exemple, une écriture blanche. Proust, c’est le contraire. Il y a des phrases courtes chez lui mais elles sont un point de départ à partir desquelles il échafaude. Le rapport entre le monde qui n’est pas dit et la façon de le dire est subtil, mais il est bien réel. Probablement, les neurosciences y verraient-elles aussi quelque chose, c’est-à-dire que pour saisir un certain nombre d’événements, il faut un système de neurones complexes qui se tissent au moment où vous les percevez. Si on pouvait voir par une IRM une personne en train d’écrire, on découvrirait la composition de la phrase qui synthétiserait les contacts entre les neurones. À partir d’éléments qui sont particuliers – un verbe, un substantif, un adjectif –, on tisse un système qui devient de plus en plus complexe. Proust n’a pas toujours écrit ainsi. Les plaisirs et les jours, son premier livre en 1896, alors qu’il a 25 ans, est écrit avec des phrases très courtes et très simples. C’est à mesure que sa vision devient plus complexe que sa phrase évolue également.
D’ailleurs, selon la formule de Nathalie Sarraute à propos de Proust, les cadres du roman traditionnel « ont craqué »…
J-Y.T. Oui, absolument. C’est vrai de la phrase, du style et aussi de la structure, parce qu’on est passé d’un livre de 50 pages à un livre de 3 000. Évidemment, ça « craque » à ce moment-là. Il n’y a pas tellement de livres actuellement qui proposent un cycle et qui atteignent les 3 000 pages.
C’était donc révolutionnaire à l’époque ?
J-Y.T. Oui, mais pas volontairement, contrairement aux Surréalistes qui voulaient casser le monde. Il s’agit d’une révolution, tranquille, mais considérable. Proust a énormément d’adeptes, d’amateurs, de lecteurs. On est stupéfait du nombre de manifestations autour de Proust cette année. En même temps, il n’y a quasiment pas d’écrivains qui l’imitent.
2022 est le centenaire de la mort de Proust. À cette occasion, vous rééditez votre biographie parue en 1996. Y avez-vous apporté des éléments nouveaux ?
J-Y.T. Oui, j’ai voulu tenir compte de tout ce que je connaissais et qu’on avait découvert depuis 25 ans. J’ai bien sûr apporté des retouches à chaque nouvelle impression, mais pas aussi massives que pour cette réédition. Cela ne modifie pas mon interprétation de fond, ni les portraits que je fais des personnages qu’il a connus, mais j’introduis des événements nouveaux sur des points d’érudition. Par exemple, Proust fait deux voyages en Hollande. Et on ne savait pas du tout avec qui il avait fait le premier. Et grâce à une lettre qu’il adresse à Mme Daudet – que Pedro (Corrêa do Lago) avait achetée d’ailleurs –, j’ai trouvé une mention de ce premier voyage avec Lucien Daudet, qui a été un grand amour de sa vie, pendant à peu près dix-huit mois. Le second, il le fait avec un deuxième grand amour : Bertrand de Fénelon. Ou encore, il part à Venise à deux reprises, et on ne savait pas non plus quel était la personne qui l’avait accompagné la seconde fois. J’ai montré qu’il s’agissait d’un peintre, maintenant complètement oublié, qui s’appelle Federico de Madrazo, le neveu de Reynaldo Hahn, et qui partageait les goûts amoureux de Proust.
Il y a plus littéraire bien sûr : j’ai tenu compte de la découverte, dans les papiers de Bernard de Fallois (à sa mort en 2018), de ces fameux « Soixante-quinze feuillets » dont il faisait allusion en 1954 dans sa préface du Contre Sainte-Beuve. Ces feuillets de grand format, qui datent de 1908, sont les débuts d’À la recherche du temps perdu que Proust abandonne aussitôt après, pour faire des articles, chroniques et pastiches, publiés dans la presse et en revues, puis pour concevoir un essai sur Sainte-Beuve. Il y reviendra un an plus tard. Il y a eu aussi des découvertes intéressantes à propos d’un autre grand amour de Proust, en 1913, 1914 : son ancien chauffeur, Alfred Agostinelli, principal modèle du personnage d’Albertine. On a montré comment il avait fui Proust une première fois, ne partageant pas ses sentiments, mais ce qu’on ne savait pas c’est qu’il est revenu vers lui avant de repartir. Il mourra malheureusement d’un accident d’avion en mai 1914. Ses voltes-faces n’étaient pas très claires et ces nouveaux documents ont mis à portée d’autres éléments.
Quels étaient ces documents ?
J-Y.T. Il s’agit d’une carte postale photographique que j’ai achetée dans une vente. Donc, Agostinelli s’éloigne de Proust en décembre 1913 et part sur la côte d’Azur, entre Monaco et Nice où réside sa famille. Proust, désespéré, envoie un premier émissaire, Albert Nahmias, qui échoue. La carte est envoyée aux alentours de Noël à Céleste Albaret, par son mari. La photographie est prise par Alfred Agostinelli lui-même et montre Anna Square, sa compagne, et Odilon Albaret sur le péron de la maison de la sœur d’Agostinelli. Tout le monde a l’air heureux, ce qui signifie qu’Odilon Albaret a obtenu gain de cause et a pu ramener son ami Alfred.
Ces nouveaux éléments ont été mis à jour, soit par l’examen plus attentif des cahiers de brouillon, soit par la découverte dans une vente d’une photographie, d’une lettre ou d’une carte postale… Il manque toujours des choses, parce qu’il y a des collectionneurs qui ne montrent pas ce qu’ils ont ; d’autres sont très généreux, comme Pedro. Après tant d’années de recherches – je pense à celles de Philip Kolb, le grand éditeur de la correspondance de Proust –, il ne s’agit jamais de découvertes très importantes, mais elles permettent de retoucher le portrait, d’apporter des précisions, d’identifier certaines situations…
Peut-on dire que tout ce qui a été écrit dans La Recherche a été vécu par Proust ?
J-Y.T. Proust écrit : « Je n’invente rien », mais il est préférable de dire ce qui a été « vu » par lui, plutôt que « vécu ». Il y a trois étapes : ce qu’il a connu, ce qu’il a vu vraiment et ce qu’il a choisi d’écrire. Il n’invente rien et ne fait pas non plus d’enquête, tel Zola par exemple, qui se rendait sur les mines du nord de la France avec un carnet. Proust ne parle pas de ce qu’il n’a pas l’occasion de connaître. Quand il va à Venise, il parle de Venise, mais il ne va pas à Rome et n’évoque pas cette ville. Il recueillait mille enseignements par la conversation avec ses amis, les domestiques, les concierges… C'est ainsi qu'il se documentait.
Mon dernier livre, Proust et la société (Gallimard, nov. 2021) veut montrer qu’il a aussi une vue des grands ensembles. Il conçoit que l’être humain appartient à une famille, un groupe social, une classe et une époque. Les détails dans le roman en témoignent : la manière de s’habiller, de se comporter, certaines scènes sont typiques des relations sociales. Il crée du symbolique à partir de la sociologie et des sciences politiques dont il se nourrit également. Il n’aimait pas le naturalisme revendiqué par Zola, il préférait Balzac qui était un génie de la sociologie bien sûr. Il le critique dans Contre Sainte-Beuve, mais au fond il l’imite, parce que la Comédie humaine est un cycle génial et géant – encore plus volumineux que La recherche –, avec cette différence qu’on peut très bien lire un livre de Balzac sans connaître les autres. Chez Proust, c’est un peu plus difficile. On est quand même gêné si on lit Le côté de Guermantes sans avoir lu les textes précédents.
Qu’est-ce qui vous émeut particulièrement dans l’œuvre de Proust ou dans ses lettres ?
J-Y.T. Ses lettres sont souvent émouvantes et particulièrement celles adressées à sa mère ou celles qui la concernent. Quelques lettres d’amour aussi. Il y en a une très belle à Reynaldo Hahn par laquelle je termine ma biographie, car il fait un dessin de douze vitraux qui retracent sa vie comme on retrace la vie des saints dans les cathédrales. Et c’est très touchant parce qu’à la fin, Reynaldo, imaginé par Proust, dépose des fleurs sur la tombe de l’écrivain où est inscrit : « Maintenant ça ne me fait plus mal ». Proust ne supportait pas en effet le parfum des fleurs qui lui donnait des crises d’asthme.
Et dans l’œuvre, il y a des passages qui sont particulièrement émouvants, comme la mort de Bergotte ou la mort de la grand-mère. Aussi, on peut être bouleversé simplement par le trajet prodigieux de la démarche intellectuelle. Par exemple, si on relit l’épisode archi connu de la madeleine, on est à chaque fois stupéfait par cette pensée en tire-bouchon qui s’enfonce et qui trouve toujours une interprétation supplémentaire.
Il obtient le Goncourt en 1919 pour le deuxième volume de La Recherche, À l'ombre des jeunes filles en fleurs. Pourquoi se fait-il accabler par la presse ?
J-Y.T. Parce que la majorité de la presse voulait que ce fût donné au Croix de bois de Roland Dorgelès, un roman inspiré de l’expérience de la guerre (14-18). Et comme Proust n’avait pas pu faire la guerre, qu’il était trop vieux (48 ans) – l’idée initiale d’Edmond de Goncourt était de donner ce prix à un jeune écrivain ––, trop riche et trop malade aussi, on l’a donc accablé. Thierry Laget a rassemblé chez Champion l’ensemble des articles de presse sur le prix donné à Proust dans ce livre intitulé, À l’ombre des jeunes filles en fleurs et le prix Goncourt 1919. Il a fait aussi un brillant essai, Proust, prix Goncourt : une émeute littéraire chez Gallimard. On peut juger sur pièces. La presse à cette époque était acerbe, incroyablement virulente.
Y-a-t-il toujours chez Proust quelque chose pour les lecteurs d’aujourd’hui ?
J-Y.T. Sa recherche constante de lois générales fait qu’il échappe à son temps et qu’il y a des choses pour toutes les époques, y compris la nôtre. Par exemple, pendant la guerre de 14-18, à cause des bombardements aériens sur la ville, il envisage que Paris pourrait être détruit, il imagine l’apocalypse. On peut reprendre ce texte superbe du Temps retrouvé et penser à la Russie. Son Paris est un Paris également poétique, une vision sulfureuse un peu infernale, symbolisée par les homosexuels qui s’échappent du bordel de Jupien sous les bombes. C’est une scène tout à fait extraordinaire. On passe du personnage de roman à une généralité beaucoup plus grande. Donc, il y a toujours quelque chose pour les lecteurs d’aujourd’hui car Proust reste actuel comme tous les très grands écrivains. Il y en a peu par pays et par langue. Pour moi, Proust est l’équivalent d’Homère, de Shakespeare, de Dante, de Cervantès, de Goethe… Vous trouverez toujours chez eux quelque chose d’intemporel et donc de notre temps aussi.
Bibliographie sélective
- À la recherche du temps perdu, de Marcel Proust, édition sous la direction de Jean-Yves Tadié en 4 volumes dans la Bibliothèque de la Pléiade, 1987.
- Marcel Proust, biographie, de Jean-Yves Tadié (Éditions Gallimard, 1996, rééd. 2022).
- Le lac inconnu. Entre Proust et Freud, de Jean-Yves Tadié (Éditions Gallimard, 2012).
- Marcel Proust. Croquis d’une épopée, de Jean-Yves Tadié (Éditions Gallimard, 2019).
- Proust et la société, de Jean-Yves Tadié (Éditions Gallimard, 2021).