Dernier voyage, publié par L’Atelier contemporain avec le soutien de la Fondation la Poste, est un recueil de lettres échangées entre le 15 juillet et le 6 octobre 1993 par Christian Gailly, écrivain du « groupe des éditions de Minuit » et Gérard Titus-Carmel, écrivain, poète, peintre et graveur. Ils se sont rencontrés très jeunes, l’un était saxophoniste avant de se consacrer à l’écriture et l’autre étudiant en art, tous deux amateurs de jazz et fins mélomanes. Ils ont entretenu une longue amitié qui s’est achevée par une « brutale rupture », quelques mois après l’ultime lettre de cette correspondance. « La fatigue d’une amitié prête à s’éteindre, si ce n’était déjà fait, marquait de longs silences la gêne grandissante de nos soirées. », écrit Titus-Carmel dans un récit émouvant qui introduit le livre publié dix ans après la disparition de Christian Gailly. Il n’empêche que durant l’été 1993, ils poursuivent leur rituel, écoute attentive, entêtée, du Voyage d’Hiver et de ses différentes interprétations. Die Winterreise est le dernier grand cycle de lieder composé par Franz Schubert, un an avant sa mort, à partir de vingt-quatre poèmes de Wilhelm Müller. L’errance, la solitude, le souvenir des temps heureux, le deuil en sont les thèmes principaux. Un jour de juillet, après l’audition d’un des enregistrements, Gérard Titus-Carmel a l’idée de proposer à Christian Gailly une correspondance suivie articulée autour de ces lieder, pour tenter de sauver, par l’écriture épistolaire, leur complicité depuis quelque temps menacée. Leur échange, presque journalier, sous le signe de la musique de Schubert, dit la « lente et inéluctable chute d’une longue amitié aspirée, à son allure, vers son hiver absolu (…) ». Traversées malgré tout de chaleur et d’humour, les missives de ces deux voix littéraires sont passionnantes.
Gérard Titus-Carmel, qui a répondu très généreusement à nos questions, expose du 21 octobre au 25 novembre à la galerie Chantal Bamberger à Strasbourg et à la Bibliothèque Diderot de Lyon jusqu’au 3 décembre. Dans ce même lieu, une rencontre animée par Jérôme Thélot, professeur émérite à l’Université Jean Moulin-Lyon 3, est organisée le 23 novembre.
Édito