« Le ‘‘printemps’’ de Nicolas de Staël n’est pas de ceux qu’on aborde et qu’on quitte, après quelques éloges, parce qu’on en connaît le rapide passage, l’averse tôt chassée. (...) Staël a peint. Et s’il a gagné de son plein gré le dur repos, il nous a dotés, nous, de l’inespéré, qui ne doit rien à l’espoir. » René Char, le 9 mars 1965. Texte écrit pour le Nouvel Observateur, célébrant le dixième anniversaire de la mort du peintre.
En février 1951, par l’intermédiaire de Georges Duthuit, René Char et Nicolas de Staël se rencontrent. Une relation profonde et fraternelle s’instaure, le poète passe des après-midi entières à l’atelier, attentif aux tableaux en cours. De leur amitié naît le projet d’un livre commun, Poèmes, conçu comme un dialogue entre « deux voix indépendantes ». Le peintre s’est mis au travail avec ardeur, dès l’été, et pour la première fois, expérimente la gravure sur bois, recherchant le contraste du noir et du blanc. René Char a choisi treize poèmes en prose issus de son recueil Le Poème pulvérisé (1948). Staël va s’occuper entièrement de la composition du livre dont il raconte les différentes étapes en écrivant à son ami qui vit dans le Vaucluse à l’Isle-sur-la-Sorgue et attend la sortie du livre. L’ouvrage voit le jour en décembre de la même année avec quatorze bois gravés et une lithographie. Guy Dumur écrit dans Combat : « Rien de commun avec un livre illustré. Mais plutôt une sorte d’expédition géographique, la reconnaissance par deux hommes de même grandeur d’une terra incognita, maintenant visible à tous. (...) » L’échange épistolaire entamé en 1951 avec cette œuvre commune puis un projet de ballet pour lequel Stravinsky et Messiaen ont été pressentis, se poursuivra jusqu’en 1954. Ces lettres aujourd’hui publiées aux éditions des Busclats, annotées par Marie-Claude Char et préfacées par Anne de Staël, disent toute la passion, les mouvements d’enthousiasme, les incertitudes, la pudeur aussi, la poésie et les recherches picturales. Elles sont l’expression de deux tempéraments, différents et lumineux.
RENCONTRE AVEC MARIE-CLAUDE CHAR
ET ANNE DE STAËL, ANIMÉE PAR YANN NICOL
Festival Les Correspondances Manosque La Poste
Jeudi 23 septembre 2010 à 16h30
MANOSQUE - Place de l’Hôtel-de-Ville