« Jadis, en des temps très anciens, c’est sur des canoës que circulaient et se transmettaient poèmes, histoires, contes et légendes. Les Éditions du Canoë entendent s’inscrire dans ce sillage. », peut-on lire sur le site de cette petite maison fondée et dirigée par Colette Lambrichs dont les choix éditoriaux qui lient artistes et écrivains sont toujours remarquables. Elle vient de publier (avec le soutien de la Fondation La Poste) Dessins épistolaires, la Correspondance entre le poète et essayiste Bernard Noël (1930-2021) et l’artiste Daniel Nadaud (né en 1942) qui, à partir de 1985 et jusqu’à la mort de son ami, a accompagné ses lettres de dessins. Empreintes d’humour, de violence et de poésie, ses œuvres révèlent un regard acéré et caustique sur le monde et les êtres. Elles dénotent sa fascination pour les outils agricoles et les instruments de guerre, pour l’ingéniosité humaine capable de créer et de détruire. « Ta litho construit une bien terrible machine mais que le trait et la couleur doublent d’une grande tendresse », lui dit Bernard Noël dans une lettre de juin 2000. Les dessins de Daniel Nadaud sont nourris de ses lectures et de ses observations, des récits de son enfance, de documents historiques, de planches entomologiques ou encyclopédiques… Ils s’intitulent : La soupe à la grimace, Bref éloge à l’attention de quelques parasites, La cuisine de guerre, Délicat désastre, Les écervelés… Daniel Nadaud s’est aussi consacré à de grandes installations composées d’objets, d’outils récupérés ici ou là dont il a fait l’inventaire sur des carnets avant de les assembler pour construire un nouvel objet. La correspondance avec Bernard Noël est le fruit d’une longue amitié et chacun porte un regard sensible à la création de l’autre. Tous deux témoignent de leur époque, s’inquiètent des injustices et violences qui se manifestent autour d’eux, en France et ailleurs.
Rencontre avec Daniel Nadaud dont une série de dessins est exposée jusqu’au 21 avril à la Galerie Exils à Paris.
Et parce que la Fondation La Poste est partenaire du Printemps des Poètes (du 11 au 27 mars) – la manifestation se déploie aussi en toutes saisons sous d’autres formes –, nous avons proposé à Gaëlle Obiégly d’écrire un texte sur le thème de cette année : « Frontières ».
Édito