Les Lettres d’À l’est d’Eden sont en réalité un Journal que John Steinbeck tient au cours de l’année 1951, parallèlement à l’écriture de son dixième roman. Chaque jour de travail, il écrit « l’équivalent d’une lettre » à son ami et éditeur, Pascal Covici, que ce dernier ne « lira pas avant un an ». À l’est d’Eden paraîtra en 1952 chez Viking Press et sera adapté au cinéma par le réalisateur Elia Kazan. Le film sortira en 1955, avec James Dean, notamment, dans son premier rôle sur grand écran. Aujourd’hui traduit pour la première fois en français par Pierre Guglielmina et édité chez Seghers, ce Journal d’un roman – publié aux États-Unis en 1969 (Journal of a Novel, The East of Eden Letters), un an après la disparition de Steinbeck –, contient une postface du traducteur, une note de l’éditeur américain et la version originale de la dédicace d’À l’est d’Eden dans laquelle Steinbeck imagine, au moment de la sortie du livre, une conversation facétieuse entre l’éditeur, l’écrivain et le lecteur. On découvre dans cet ouvrage ses réflexions, ses idées quant à la forme que prendra le roman, ses tensions et intentions, ses doutes et sa détermination, les enjeux et le rythme de l’écriture, l’histoire et le motif du roman. « Le livre est vraiment en train de trouver sa propre cadence et de s’y tenir. C’est bien parce que, une fois qu’on a sa forme dans sa chair, on n’a plus qu’à travailler son histoire et le reste se met en place », écrit Steinbeck le 23 février. Des considérations liées à la vie quotidienne, la scolarité de ses deux garçons, les objets qu’il fabrique, des étagères ou le fameux coffret en bois sculpté pour son éditeur, s’immiscent dans ce document de travail qui redonne vie au roman. Pierre Guglielmina, qui a également traduit de John Steinbeck, Dépêches du Vietnam (Belles Lettres, 2013) et Jours de travail, Les journaux des Raisins de la colère (Seghers, 2019), constate que ces textes, au nombre de quatre avec le Journal russe (Gallimard, 2022, traduit par Philippe Jaworski), « forment un ensemble bien plus cohérent qu’il n’y paraît et constituent un relevé sismographique en quelque sorte de la pensée politique de Steinbeck. Non pas dans sa formulation idéologique, mais dans son élaboration profonde, liée à son activité d’écrivain. » Nous avons interviewé Pierre Guglielmina, traducteur des grands auteurs de la littérature anglo-saxonne.
Édito