FloriLettres

Édito février 2019. Par Nathalie Jungerman

Stéphane Mallarmé - Correspondance

Édito

« J’ai enfin commencé mon Hérodiade. Avec terreur car j’invente une langue qui doit nécessairement jaillir d’une poétique très nouvelle, que je pourrais définir en ces deux mots : Peindre non la chose mais l’effet qu’elle produit », confie Stéphane Mallarmé en octobre 1864 à son ami Henri Cazalis (Correspondance, Gallimard, 2019, Lettre 79). Il est alors âgé de 22 ans. En composant Hérodiade, Mallarmé s’inscrit dans la continuité de la poétique d’Edgar Poe qu’il a découverte dans The Philosophy of Composition (que Baudelaire a traduit par La Genèse d’un poème) où Poe tente de démontrer « qu’aucun point de la composition ne peut être attribué au hasard ou à l’intuition » et que pour lui, « un effet à produire est la première de toutes les considérations. » Cette œuvre, Hérodiade, que Mallarmé souhaitera compléter en 1886 et achever en 1898, l’année de sa mort, est emblématique de son évolution spirituelle et poétique. À Villiers de l’Isle-Adam (Lettre 115, 1865), il écrira que son sujet est la « Beauté » et que le « sujet apparent n’est qu’un prétexte pour aller vers Elle. » L’écriture épistolaire contre laquelle le poète ne cesse de s’insurger non sans humour dans sa correspondance - parce qu’elle prend un temps considérable sur son activité poétique -, est notamment le laboratoire de l’œuvre en cours. Il y est question de son cheminement, des premières tentatives à l’ultime essai du Coup de dés jamais n’abolira le hasard, poème en vers libres qui joue de toutes les variations typographiques. Le 28 mars prochain, les lettres de Stéphane Mallarmé paraîtront chez Gallimard dans la collection Blanche, réunies pour la première fois en un seul volume. Bertrand Marchal, professeur à la Sorbonne et éditeur des Œuvres complètes du poète dans la Pléiade, a établi cette nouvelle édition à partir des onze tomes (et douze volumes) déjà parus, ayant pour maîtres d’œuvre Henri Mondor et Lloyd James Austin. Il a corrigé d’après les originaux toutes les lettres connues (texte, datation, classement), en a rajouté d’autres retrouvées et les a annotées. Cette correspondance écrite entre 1854 et 1898 s’adresse à plusieurs centaines de correspondants et compte plus de trois mille lettres.
Didier Sandre en lira des extraits le 12 mars au Studio Raspail, à l’occasion des « Soirées de la Fondation La Poste » et des 20 ans du Printemps des Poètes qui a pour thème « la Beauté ».