Le Rail, La Poste et autres progrès. Lettres de Pierre-Lucien Cayrol, Éditions Ampelos, novembre 2021
Correspondance établie par Rémi Cazals, professeur émérite d’histoire, Université de Toulouse-Jean-Jaurès.
1839-1859, deux décennies au cœur du XIXe siècle. À l’âge de 18 ans, le provincial Pierre Lucien Cayrol monte à Paris afin de préparer Polytechnique. À l’issue de ses études, il devient officier du génie à Metz, puis dans l’Est algérien où il construit des routes, et encore à Cherbourg, en Corse, à Montpellier, Sète et Port-Vendres. Durant cette période, il écrit à sa famille restée à Carcassonne 180 lettres qui font connaître un jeune homme attachant. C’est là le premier intérêt de ce livre.
De grands personnages figurent dans cette correspondance. Pierre Lucien assiste en bonne place à la fête du roi Louis-Philippe et il défile lors du retour des cendres de Napoléon. La révolution de février 1848 perturbe les bureaux de l’administration militaire et retarde l’annonce de sa promotion. Celle-ci arrive avec la signature du ministre de la guerre François Arago. Puis c’est en Corse qu’il reçoit la nouvelle du coup d’État du neveu Bonaparte dont les insulaires attendent avec joie la proclamation de l’Empire. Il évoque aussi son compatriote audois Armand Barbès et le fameux bandit corse Massoni. Sans oublier la merveilleuse tragédienne Rachel, sa contemporaine.
Mais le grand intérêt de ces lettres couvrant la période 1839-1859 est ailleurs. Pierre Lucien Cayrol est le témoin et l’utilisateur des progrès réalisés dans tous les domaines, qu’il s’agisse du transport de passagers et de marchandises, de la transmission du courrier par la poste et des nouvelles par le télégraphe, de la vaccination et des cures thermales, du daguerréotype et des magasins de prêt-à-porter. Il indique les tarifs des voyages en diligence et il montre la concurrence du bateau à vapeur et du chemin de fer. Ses lettres fournissent un éclairage concret et précis sur vingt années d’évolution des conditions de vie de la société française.
En début de période, les tarifs de la poste étaient élevés. Avant l’adoption du timbre-poste en 1849, le port des lettres était payé par le destinataire. Pierre Lucien nous dit que le port d’une lettre de Carcassonne à Metz coûtait un franc, de Paris à Metz 60 centimes. Plus pratique, moins cher, le timbre-poste finit par s’imposer, à l’effigie de Cérès, puis du Prince Président de la République, puis de l’Empereur Napoléon III. Les lettres ordinaires étaient alors affranchies par un timbre bleu de 20 centimes quelle que soit la distance parcourue.
Plusieurs lettres de Pierre Lucien Cayrol permettent de constater les progrès dans la rapidité de transmission, à la suite du développement du réseau ferré. Du début à la fin de la période 1839-1859, les envois durent emprunter des cheminements complexes avec des changements fréquents de moyens de transport. Fin 1839, les lettres mettent quatre ou cinq jours pour aller de Paris à Carcassonne ; en 1843, six jours entre Metz et Carcassonne ; en juillet 1850, une lettre part de Cherbourg le 16, passe à Paris le 17, arrive à Carcassonne le 19. La durée est donc réduite à trois jours entre la capitale et le chef-lieu de l’Aude. Plus tard encore, les lignes de chemin de fer bien avancées mais pas complètes, permettent au courrier de mettre seulement un ou deux jours entre Sète et Carcassonne, entre Montpellier et Carcassonne, entre Port-Vendres et Carcassonne.
Toutes ces lettres témoignent du regard éclairé et passionné d’un polytechnicien sur les nouvelles technologies de l’époque en particulier le train et le service postal.
180 lettres et quelques illustrations composent ce livre d’environ 200 pages.