Éditions Actes Sud, le 14 juin 2023
En collaboration avec la Maison Jean Vilar
Né à Sète en 1912, Jean Vilar est l’un des hommes de théâtre français les plus importants du XXe siècle. Élève de Charles Dullin, il est comédien de théâtre, acteur de cinéma et metteur en scène. En 1942, il fonde sa propre compagnie, “Les Sept”. Il est nommé directeur du Palais de Chaillot en 1951 et lui rend son nom : Théâtre National Populaire. Créateur du Festival d’Avignon, il en reste le directeur jusqu’à sa mort, en 1971.
Cette correspondance foisonnante, composée de 260 lettres, signées par Jean Vilar ou qui lui ont été adressées, trace le portrait d'un amoureux du théâtre, qui y a dédié sa vie. Revêtu d'une triple casquette, l'homme de lettres a été tout à la fois directeur et fondateur de grandes institutions (le Théâtre national populaire et le Festival d'Avignon), metteur en scène et comédien.
Il passait d’une préoccupation à une autre, sans discontinuité, avec une rigueur implacable et surtout, un engagement sans failles, si total que sa santé s’y est parfois abîmée.
Quelques fois mélancolique à l’idée de ne rien connaître du monde, en dehors des salles obscures des théâtres, Jean Vilar a pourtant appartenu à une période artistique florissante, durant laquelle Paris se faisait l’écho bouillonnant de toute la culture européenne. En traversant l’œuvre épistolaire de Jean Vilar, le lecteur peut se délecter de voir renaître les plus grands intellectuels du XXe siècle : le metteur en scène côtoyait, ou échangeait, aussi bien avec Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Eugène Ionesco, Jean Genet qu’André Malraux, Maria Casarès, Roland Barthes ou encore René Char et Romain Gary.
L'ensemble de ces lettres constitue un corpus inestimable pour comprendre la façon dont Jean Vilar, doté d'une rigueur implacable et d'un engagement sans failles envers son art, a fondé le Festival d'Avignon, impulsé la décentralisation théâtrale et défendu, coûte que coûte, les auteurs dramatiques de son époque.
Le texte se découpe en quatre grandes parties, suivant l’évolution chronologique du parcours professionnel et artistique de Jean Vilar.
La première partie concerne son arrivée au Théâtre de Poche et ses débuts dans le milieu.
La deuxième partie fait état de la façon dont Jean Vilar assure la direction du Festival, tant d’un point de vue administratif qu’artistique. S’il monte systématiquement des classiques, Vilar cherche avec ferveur des auteurs vivants et bien que l’accueil des pièces contemporaines soit mitigé, il met un point d’honneur à ce que la programmation du Festival reflète l’éclectisme et la pluralité des théâtres de son époque. Il est nommé directeur du Théâtre National Populaire en 1951.
La troisième partie atteste la lourde tâche qui incombe à Jean Vilar quand il reprend la direction du TNP alors qu’il se retrouve sans soutien amical et artistique (tous ses maîtres meurent, Copeau, Dullin, Jouvet) et que l’immensité de la scène rebute de nombreux auteurs contemporains, tels que Cocteau. Ses lettres attestent la persévérance et l’acharnement avec lesquelles Jean Vilar cherche à monter des pièces contemporaines.
Dans la dernière partie, le lecteur apprend que Jean Vilar quitte le TNP sans prévenir personne, sans expliquer les raisons de son départ à qui que ce soit ; excepté à Malraux, dans une lettre qu’il écrit mais n’envoie pas.
Réunies pour la première fois, inédites pour la plupart d’entre elles, ces lettres exposent les différents visages de Jean Vilar :
- Le patron, qui organise à distance un festival naissant, défend son œuvre face aux attaques d’un sénateur, rappelle à l’ordre un comédien ou ses successeurs, et qui se trouve mis en cause par une vedette de sa troupe, Maria Casarès.
- L'artiste, qui échange avec les comédiens (Philipe, Casarès, Page, Sorano), les écrivains (Gide, Sartre, Camus, Char, Giono, Paulhan, Queneau, Adamov, Ionesco, Vinaver, Aragon, Cocteau, Anouilh), les peintres (Picasso, Calder, Miró, Gischia) ou les compositeurs (Jarre, Duke Ellington, Boulez).
- Le réformateur, qui a pour fidèle correspondant Malraux, qui fut chargé d’un projet de réforme de l’Opéra en France et qui s’opposa, dans une célèbre polémique, à Sartre sur la question du public populaire malgré des rapports initialement cordiaux.
- L'ami, puisque les lettres donnent accès à un Vilar plus intime – notamment avec Gérard Philipe et Maria Casarès –, qu’elles révèlent la porosité des sphères professionnelles et affectives, et qu’elles dévoilent les grandes lignes du caractère complexe de Vilar : conviction, opiniâtreté, sens des responsabilités, séduction, vision sereine de l'avenir, exigence envers soi et envers autrui, autoritarisme, estime, tendresse, courage et désillusion.
L'originalité du projet tient à la démarche de Violaine Vielmas, directrice de publication (depuis 2019, Violaine Vielmas est doctorante au CÉRÉdi de Rouen. Sa thèse porte sur la dimension littéraire, artistique et autobiographique de la correspondance de Jean Vilar), qui a rassemblé ces lettres, éparpillées dans différents fonds d'archives et pour la plupart inédites, afin de les regrouper pour la première fois dans un livre qui donne accès à une image plus complexe de Jean Vilar, moins linéaire et lisse que celle du mythe. Rêveur, solitaire, séducteur, homme aux milles projets inaboutis, patron parfois autoritaire, bourreau de travail, Jean Vilar apparaît dans cet ouvrage sous ses multiples visages.