FloriLettres

Entretien avec Leslie Kaplan. Propos recueillis par Nathalie Jungerman

édition novembre 2012

Entretiens

Née à New York, Leslie Kaplan a grandi à Paris où elle vit et écrit en français. Après des études de philosophie, d’histoire et de psychologie, elle travaille en usine de 1968 à 1971, dans un mouvement qui réunit travailleurs manuels et intellectuels. Pendant plusieurs années, elle anime des ateliers de lecture-écriture dans des écoles et des bibliothèques de banlieue, des cafés, des prisons, ainsi qu’à l’université. Depuis 1982, date de la parution de son premier livre L’excès-l’usine, elle a publié près d’une vingtaine de récits et romans, notamment Le livre des ciels, Le criminel, Le pont de Brooklyn, Le silence du diable... et un livre d’essais, Les Outils, paru en 2003. En 1996, elle a commencé une série romanesque intitulée « Depuis maintenant » qui comprend Depuis maintenant (Miss Nobody Knows), Les prostituées philosophes, Le Psychanalyste, Les Amants de Marie, Fever et Mon Amérique commence en Pologne. Son dernier livre, Millefeuille, a été primé par le Jury du Prix Wepler Fondation La Poste 2012. Ses ouvrages ont été traduits dans une dizaine de langues et plusieurs de ses romans ont été adaptés pour le théâtre. Elle publie également de nombreux articles sur la littérature, le cinéma et des textes écrits pour le théâtre.

Couverture du livre Millefeuille avec bandeau prix Wepler 2012
Leslie Kaplan
Millefeuille
Éditions P.O.L. août 2012
Prix Wepler Fondation La Poste 2012

Vous venez de recevoir le Prix Wepler Fondation La Poste pour votre roman Millefeuille paru chez P.O.L en août dernier. Que représente pour vous cette distinction littéraire ? Dans votre discours, vous avez dit être très contente que ce soit précisément ce livre, Millefeuille, qui soit primé.

Leslie Kaplan Qu’une libraire indépendante ait eu l’initiative de mettre en place ce prix, je trouve ça formidable. C’est une façon de rapprocher les lecteurs et les livres, de faire vivre la littérature et spécialement la littérature d’aujourd’hui. Je suis très contente d’avoir reçu cette distinction pour ce livre, Millefeuille - centré sur un personnage que je crois être à la fois universel et très contemporain - parce qu’il me semble correspondre à un moment précis de mon travail. C’est peut-être aussi une façon pour moi d’affirmer mon mode particulier d’écrire.

Il est souvent question de cinéma dans vos romans, les personnages citent ou même analysent des films de Chaplin, Kubrick, Fritz Lang... La lecture de Millefeuille, votre façon de décrire les actes de la vie quotidienne, la répétition des gestes, et surtout l’illusion du temps réel, m’ont fait penser à un film de Chantal Akerman : Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles (avec Delphine Seyrig)... Cette façon d’organiser sa vie pour n’avoir aucun temps libre, pour ne pas se laisser submerger par l’angoisse et l’obsession de la mort...

L. K. Vous pointez deux choses qui sont un peu différentes, la question du temps réel et la question de « comment le personnage occupe ce temps ». Pour le premier point, je voulais effectivement écrire le livre en donnant l’illusion du temps réel. Bien sûr, ce n’est pas vraiment le cas puisque l’histoire se déroule pendant un été, mais tout de même, je tenais à ce procédé qui est une façon de creuser dans le détail, de s’interroger sur ce qu’est un personnage. Quant au deuxième point, la manière d’occuper ce temps qui, chez Millefeuille, est quand même moins désespéré que chez Jeanne Dielman, quoique ce n’est pas si sûr... Millefeuille veut en effet rendre le temps le plus plein possible car il a certainement très peur du vide. Mais je crois que la question du temps réel - et c’est tout à fait intéressant que vous le pointiez ainsi - rejoint ce qui pour moi est au cœur de l’écriture, la question du détail. Le détail étant la condensation de tout ce qui peut se passer à un moment donné pour quelqu’un. C’est-à-dire comment, en une seconde une minute ou une heure, on peut être soit « en haut », soit « en bas », éprouver en peu de temps des sentiments et des émotions contradictoires, comment il faudrait tout saisir et comment chaque chose se déploie à l’infini. « Chaque chose se divise en elle-même, à l’infini » dit Deleuze. À propos de L’excès-l’usine, mon premier livre, j’ai parlé d’un « infini en morceaux » dans un entretien avec Marguerite Duras. Mais qu’est-ce que l’infini ? C’est ça qu’il faudrait attraper. Millefeuille passe très rapidement de la bonne humeur au désespoir, à la colère, à l’agressivité. Et je crois que tout être humain a cette possibilité. Ce qui est fascinant.

L’ordinaire devient extraordinaire avec l’observation, la pensée. Vos personnages disent et « se disent », pensent constamment, Millefeuille se pose beaucoup de questions. La pensée est une façon d’expérimenter la réalité... Et l’humour aide les personnages à appréhender cette réalité.

L. K. Au fond, l’être humain pense tout le temps. Certains en sont plus conscients que d’autres, ils se disent à eux-mêmes « qu’est-ce que je fais... » ou se parlent à voix haute. La pensée est toujours là, y compris quand on dort, et c’est aussi la question de l’inconscient. Ce qui m’intéresse c’est de me donner comme objet des personnages qui explicitement pensent tout le temps, et qui par conséquent sont au maximum d’eux-mêmes. Je n’affectionne pas particulièrement l’ironie ou le sarcasme, mais préfère l’humour et trouve plus intéressant, plus complexe que cet humour soit intériorisé chez le personnage lui-même.
L’humour est vraiment quelque chose qui va avec la pensée. Évidemment, il y a des gens qui pensent et qui n’ont pas beaucoup d’humour. Mais pour moi, l’humour se rapproche de ce que j’appelle, en songeant à Kafka, la pensée paradoxale. C’est-à-dire, si l’on pense jusqu’au bout, on arrive souvent à un paradoxe quel qu’il soit. Et c’est important de garder les deux aspects du paradoxe. On peut être face à un paradoxe et face à un moment de sidération qui peut être drôle si l’on arrive à faire le léger pas de côté qui fait que l’on n’est pas aussi impliqué que ça. Même si on l’est.

On entend vos personnages penser, comme chez Dostoïevski.

L. K. Ce qui m’avait frappée quand je me suis mise à relire Dostoïevski après l’avoir lu avec passion, adolescente, c’est que les gens parlent tout le temps dans ses romans. C’est la première chose que je me suis vraiment formulée. Les gens se parlent et parlent constamment. Il n’y a pas tellement d’écrivains qui ont mis ça en acte. Je crois que c’est un des traits géniaux de Dostoïevski. Il prend le langage humain comme fait humain fondamental, il le prend au sérieux. Un homme, c’est quelqu’un qui parle. En ce sens, la lecture de Dostoïevski m’a certainement influencée.

Dans Le Psychanalyste, on lit : « L’acte de penser - il vous mettrait de bonne humeur. » !

L. K. Absolument, même si on peut penser des choses pénibles, le fait de les penser fait surmonter quelque chose. Là, au moins, on est actif et c’est essentiel.

Dans ce livre, il est question principalement de Kafka, dans Millefeuille, de Shakespeare. Vos personnages sont intimement liés à la littérature... Les œuvres consolent dit un professeur à Millefeuille dans un rêve... Eva, quant à elle, est consolée par la force du langage de Kafka...

L. K. Dans Le Psychanalyste, je voulais absolument qu’il y ait un deuxième héros - le premier étant Simon Scop, psychanalyste - qui ne soit pas du tout dans la psychanalyse, qui soit complètement en dehors de tout ça. Cette deuxième figure, Eva, est marginalisée, elle a assassiné un souteneur au début du livre, et s’en sort par, ou avec, la littérature. Il m’a semblé que c’était vraiment important.

Précisément, la question du meurtre est récurrente dans vos livres. Il y a toujours une histoire violente, un crime.

L. K. Fever, par exemple, est un livre sur le crime. Un meurtre se passe dès la première page et l’on sait tout de suite que deux adolescents viennent de tuer une jeune femme. Le mystère n’est donc pas qui a tué mais pourquoi. À peu près dans tous mes livres, au moins un meurtre plane, mais il n’est pas commis à chaque fois. Dans mon premier livre, L’excès-l’usine, qui n’est pas un roman, appelons-le un récit sur l’usine ou avec l’usine ou à partir de l’usine, il y a de la violence, même si elle est banalisée et même si elle est refusée. Elle existe. En ce sens et comme je l’ai souvent dit par rapport à ce livre, les camps, l’extermination, sont dans l’inconscient. La question c’est aussi le silence, c’est-à-dire de savoir comment ça se transmet. Est-ce que ça se transmet en disant « ça a eu lieu et qu’est-ce qu’on fait puisque ça a eu lieu » ou est-ce que ce qui se transmet c’est « on n’en parle pas, est-ce que ça a bien existé, on n’est pas sûr, on ne sait pas » etc. Le réel est là et le problème de la transmission est d’autant plus aigu. Qu’est-ce qu’on en fait ? est une question pour tout le monde. Il y a aussi des choses terribles qui se passent tous les jours, maintenant. Il ne s’agit pas non plus de comparer les pires meurtres. Du meurtre, il y en a. Donc, comment ne pas essayer de penser et de dire la question de la violence ?

Dans un article intitulé « Cassavetes, Dostoïevski et le meurtre », vous avez dit « Le meurtre isole, radicalement. Raskolnikov en fait l’expérience, quand il a le pressentiment qu’il pourrait ne plus jamais parler à personne ». Dans la relecture que vous avez faite des Notes du sous-sol de Dostoïevski, vous écrivez : « Une situation-limite, un meurtre, rend sensible, en creux, ce qui empêche la parole de tourner à vide : la présence d’un autre toujours déjà-là, le fait que toute parole est adressée. »...

L. K. À propos de Cassavetes, je voudrais signaler justement que dans ses films et notamment dans Faces ou Meurtre d’un Bookmaker Chinois par exemple, il rend compte du temps réel dont nous parlions tout à l’heure. Les personnages de Cassavetes, comme ceux de Dostoïevski, sont excessifs, explorent par la parole toutes les possibilités, ont les comportements les plus extrêmes, et en même temps ils sont conscients, même à leur insu, qu’une certaine limite, si elle est dépassée, peut les renvoyer à une parole qui tourne à vide. Le meurtre peut être ce qui va ruiner la parole. Il y a ces deux voies : le langage, la parole, un certain rapport à l’autre, ou au contraire le refus de ça, avec alors la possibilité du n’importe quoi, donc aussi du meurtre.

Dans Millefeuille, le personnage dit « Comment peut-on tuer quelqu’un. Comment peut-on souhaiter la mort d’un autre. Tout le monde peut vouloir tuer »

L. K. C’est kafkaïen ou dostoïevskien ou shakespearien. Je crois que c’est très important et que ça vient aussi d’une réflexion sur ce qu’est l’inconscient comme Freud l’a défini. Il a dit « toutes les pensées sont possibles ». Ce qui ne veut pas du tout dire que tous les actes le soient. Par contre, tout le monde peut avoir les pires pensées, ou les meilleures. C’est une sorte de présupposé. Si l’on considère ce qu’est le genre humain et le fait que les hommes sont égaux, chacun peut tout penser. Il s’agit de différencier les pensées et les actes. Ce qui revient aussi à définir par exemple la question de la démocratie : on peut tout dire mais on ne peut pas tout faire.

La folie affleure dans Millefeuille et dans les autres romans d’ailleurs. La folie est une façon de saisir le monde ? Une aventure de l’esprit ?

L. K. Oui, c’est-à-dire que la folie est toujours double. Elle peut à la fois engendrer le maximum de créativité, de l’émergence, comme le pire de la paranoïa, du délire, du refus de l’autre etc. Chacun peut éprouver des moments de folie, chacun peut basculer à un moment ou à un autre dans la folie. Elle est un possible pour tout être humain. Comment considère t-on la folie aujourd’hui, quelle position peut-on avoir par rapport à ça ? C’est un critère qui permet de savoir jusqu’où l’on veut tenir une position humaniste ou au contraire la laisser tomber.

À la fin du livre, Millefeuille devient-il fou ?

L. K. Je l’ai laissé ouvert. C’est sûr qu’il devient assez fou. Mais est-ce qu’il va en rester là ? Ou est-ce qu’il va se ressaisir ? Ce n’est pas dit.

D’ailleurs, comment décide t-on que le livre est terminé ?

L. K. J’ai toujours voulu qu’il y ait un suspens dans mes romans. Je crois qu’il n’y en a pas un seul qui ne se termine pas sur une part d’indécidable parce que je trouve que c’est le minimum qu’on puisse faire pour que le lecteur soit libre, ait envie de se poser des questions.
Une sorte de sentiment intérieur vous guide qui vous permet d’arrêter l’écriture du livre et inscrire le point final. Le livre est à la fois un infini et un fini. L’écriture peut continuer en un sens, mais le livre est tout de même un objet qui à un moment donné prend une forme qui vous convient.

Les rêves sont récurrents dans vos livres et en continuité avec le réel...

L. K. J’ai toujours aimé faire que mes personnages rêvent. Pas des rêves compliqués et alambiqués parce que le lecteur - ou même l’auteur - peut s’ennuyer, mais des rêves assez simples qui montrent en effet que la pensée continue. Millefeuille n’analyse pas ses rêves, mais ses rêves sont en continuité avec son état d’éveil. C’est une façon de montrer que l’inconscient est là, absolument.

De brefs chapitres, quelques pages rythment chaque journée de votre personnage.

L. K. Cette forme de chapitres brefs m’a paru assez logique pour parler de la vie quotidienne, de choses ordinaires.

Jean-Pierre Millefeuille tisse des liens et en même temps, il est distant, défaillant, il tient à l’écart son fils, ses proches. C’est un personnage ambivalent et paradoxal...

L. K. Je voulais montrer tous les contraires possibles et aussi parler de la question de la filiation, de la transmission, du rapport entre les vieux et les jeunes. Je crois que tous les gens d’un certain âge ont pu éprouver à un moment donné cette question : les jeunes, qu’est-ce que je fais avec eux ? jusqu’où je vais ? et se sentir assez furieux... Toutes ces questions sont là et peuvent parfois conduire à de graves événements comme ce qui se passe avec le jeune couple que finalement Millefeuille laisse tomber. Le personnage, dépassé par ce qui lui arrive, est pour moi emblématique du tragique contemporain.

Soudain, il est dans une sorte d’inertie.

L. K. En effet, il ne va pas à un rendez-vous qu’il a lui-même initié pour aider Loïc et Cristelle et n’arrive pas non plus à lire les premiers écrits que Léo lui a soumis. Il s’agit justement de son ambivalence à l’égard des jeunes, et de Léo en particulier qui est professeur comme lui l’a été. Il éprouve de l’envie, plus que de la jalousie : « lui, il est là, il va continuer, moi non, je le sais ». Ça le bloque.

Il a la passion des rois et s’identifie aux personnages de Shakespeare... On retrouve aussi dans Le Psychanalyste la question de l’identité où Simon Scop dit « ce n’est pas une affaire de sang ou de sol, comme ils disent. Mais dans et par quels récits on est constitué. »...

L. K. Millefeuille est un roi à qui la couronne a été enlevée, ce n’est pas par la guerre comme chez Shakespeare, mais par la société. La question qui traverse tout le temps le personnage est qui est-on quand on n’est pas roi, quand on est un homme sans pouvoir ? L’identité c’est « qu’est-ce que je fais de ce qu’on a fait de moi ». L’identité est en perpétuelle fabrication. Le récit qu’on fait de sa propre vie n’est pas comme ce que disent les gens pris par le racisme, quelque chose qui vous assignerait à une place.

Vous avez dit « Millefeuille n’est pas un livre sur la vieillesse ». Mais c’est un livre sur une certaine forme de solitude et sur l’approche de la mort.

L. K. Ce n’est pas un livre sur la vieillesse au sens où l’on tomberait dans la physiologie de la vieillesse, avec une vision naturaliste, quelque chose d’inscrit dans le corps. Certainement, le personnage est proche de la mort. Il est devant la mort, il la considère, il sait qu’elle est là même s’il ne veut pas y penser tout le temps. Ça le travaille, il rêve des pharaons, pense au Roi Lear, se demande si après sa mort, on se souviendra de lui. Qu’est-ce qui reste, quand on disparaît ? Il fallait dynamiser cette question. Il s’agit surtout d’un combat contre la mort pour rester parmi les vivants, et pas simplement le fait d’être vieux.

À quel moment de l’écriture trouvez-vous le titre du livre ?

L. K. Au début, et c’est ainsi depuis toujours. Le livre a été tiré en avant par le titre qui a été trouvé. Je crois que ça commence avec des questions, que ce soit L’excès-l’usine sur l’usine ou Millefeuille sur un personnage, le titre vient en même temps que la question. Je me suis dit le personnage va s’appeler Millefeuille et à ce moment-là j’étais sûre que le livre allait prendre pour titre ce nom.
Ensuite, il y a bien sûr le travail d’écriture.

Et qu’est-ce qui vous pousse à écrire ? Comment ça a commencé ?

L. K. L’excès-l’usine est le premier livre que j’ai vraiment voulu publier. J’avais déjà écrit un petit livre intitulé L’histoire de la fille qui traverse la ville en courant qu’une maison d’édition était sur le point de publier mais au dernier moment j’ai refusé, j’ai dit que ce n’était pas ça. J’ai grandi dans un milieu où les livres avaient beaucoup d’importance et enfant, je lisais assidûment. Puis, il y a un moment où l’on veut « faire comme ». En fait ce n’est jamais comme ! J’ai quitté mes études, j’ai travaillé en usine de 1968 à 1971, j’ai assimilé cette expérience et je me suis dit, dix ans après 68, il faut que j’écrive. C’était devenu une urgence, une nécessité absolue, pour x raisons. C’était un confluent de tas de choses dont je n’étais pas nécessairement consciente d’ailleurs. Tout le rapport entre l’usine et les camps, je n’y ai jamais pensé pendant que j’écrivais. C’est un lecteur qui me l’a fait remarqué avant la publication.

Et vos personnages, les avez-vous parfois rencontrés ?

L. K. Toujours ! Parfois en me regardant dans la glace ! Un personnage, c’est toujours une construction, donc il y a sans cesse des pistes ou des lignes ou des façons de dire. Mais plus ça va plus je pense qu’un personnage ou un dialogue sont des façons d’aller le plus loin possible dans le détail donc dans la question même d’écrire.

Certains de vos textes ont été adaptés au théâtre... Qu’en pensez-vous ?

L. K. L’excès-l’usine, Le silence du diable, Le Pont de Brooklyn, Depuis maintenant qui est mon premier texte après L’excès-l’usine sur l’occupation et la grande grève de 1968, ont été adaptés pour le théâtre. Les adaptations m’intéressent beaucoup, même si certaines sont plus réussies que d’autres, parce que c’est une interprétation. J’ai vraiment aimé la mise en scène de Depuis maintenant par Frédérique Loliée avec des comédiens provenant en majeure partie du Théâtre des Lucioles et celle que Marcial Di Fonzo Bo a faite de L’excès-l’usine. Le Psychanalyste n’a pas été adapté pour le théâtre, mais il a été mis en voix par Claude Guerre sous forme de feuilleton radiophonique diffusé sur France Culture pendant cinq semaines. C’était très réussi. Et depuis quelques années, j’écris des textes spécifiquement pour le théâtre.

Qu’avez-vous pensé du court-métrage réalisé à partir de votre roman Millefeuille par les vidéastes Mathilde Salve et Alexandre Lazar ?

L. K. Ils ont tenté de rendre le quotidien du personnage, et j’ai trouvé leur proposition juste. J’ai aimé aussi la lecture de l’extrait. Il y a toujours un saut dans une adaptation, c’est ce qui est intéressant. Un jeune cinéaste essaye en ce moment de réaliser un film sur le livre Fever qu’il avait aimé à sa sortie. Il va le changer certainement, mais pourquoi pas ! Je trouve ça bien qu’une œuvre permette d’aller vers d’autres œuvres, d’autres expressions artistiques.