Le jury de la 6e édition du prix « Envoyé par la Poste » a récompensé, cette année, Dima Abdallah pour son premier roman intitulé Mauvaises herbes, paru en août dernier chez Sabine Wespieser. L’auteure, née à Beyrouth en 1977, décrit une relation entre un père et sa fille dans un contexte qu’elle a connu : la guerre civile libanaise. Les souvenirs et les sensations de Dima Abdallah s’infiltrent dans la narration à deux voix qui compose le roman, alors même que ses personnages luttent chaque jour contre leur mémoire pour effacer toutes les images qui dérangent. En vain. Le père et la fille – cette dernière a six ans en 1983 quand débute le premier chapitre – expriment à tour de rôle leurs pensées, leurs humeurs, leurs sentiments sans parvenir à se les dire. Pour autant, l’alternance des deux voix narratives finit pas former un dialogue. Comme les mauvaises herbes qui poussent dans les ruines de Beyrouth ou celles qui se dressent librement autour des plantes désirées, le père – poète et libertaire – et la fille se sentent étrangers aux autres et mis à l’écart. À la fois libres et enfermés dans des non-dits, n’adhérant à aucune doctrine, à aucun groupe, ils sont en marge de la société en guerre et de la collectivité. Leur singularité est éprouvante. Dans la deuxième partie du livre, le Beyrouth des années 1980 laisse place à Paris où la narratrice âgée de douze ans émigre avec sa mère et son petit frère. Le père reste au Liban et s’exile tout autrement... L’écriture de Dima Abdallah est mélodique. Les figures de répétition qui parsèment le récit sont comme le thème musical d’un seul mouvement et ces unités rythmiques intensifient le sens du contenu. Rencontre avec l’auteure pour évoquer Mauvaises herbes, un premier roman où se révèle une étonnante maturité littéraire.
Édito