« Vos lettres, ces autres chants, ont les ailes des migrateurs devant l’automne. À bientôt, Jacques Chessex. Le 24 VIII 1975 » Fraternité secrète réunit les lettres que Jacques Chessex et Jérôme Garcin n’ont cessé de s’échanger pendant trente-cinq ans jusqu’à la mort brutale en 2009 de l’écrivain suisse né à Payerne 75 ans plus tôt. Poète, romancier, nouvelliste, essayiste et peintre, Jacques Chessex reçoit le prix Goncourt en 1973 pour son roman L’Ogre, peu après le scandale suscité en Suisse par Carabas (Grasset, 1971), son premier grand récit autobiographique. La lettre que Jérôme Garcin, étudiant au Lycée Henri IV, lui envoie le 30 avril 1975, ne parle ni du Goncourt, ni de son récit « tonitruant » mais d’un court recueil de poèmes découvert par hasard dans la bibliothèque de son père Philippe Garcin, intitulé Le Jour proche, que Jacques Chessex, âgé d’à peine vingt ans, avait publié à compte d’auteur en 1954. L’écrivain répond chaleureusement au jeune homme, « Votre lettre m’a donné de la joie. Écrire, et recevoir de tels témoignages. Merci. » La correspondance s’engage sous le signe de la poésie. Très vite, une affection profonde lie les deux hommes et le plus jeune incite son aîné de vingt-deux ans qui avait abandonné le poème à y revenir. Ces lettres, belles et sensibles, publiées aux éditions Grasset avec l’aide de la Fondation La Poste, sont le témoin d’une forte amitié et d’une complicité littéraire. Elles permettent d’entrevoir Jacques Chessex à toutes les étapes de la création et de découvrir le désir et le travail passionné de Jérôme Garcin pour faire mieux connaître en France l’œuvre de son ami. Des Entretiens avec Jacques Chessex réalisés par Jérôme Garcin, Maurice Chappaz écrit en 1979 : « Vous avez suivi un écrivain en l’admirant de toute votre jeunesse et de toute votre force, de sorte que la pâte se soulève et que vous nous donnez un livre plein d’émotion ». Avec cette correspondance, Fraternité secrète, qu’il a préfacée et annotée, l’auteur des Entretiens devenu un célèbre journaliste et écrivain, nous offre là encore « un livre plein d’émotion ».
Édito