La belle collection « Quai Voltaire » des éditions de la Table Ronde offre l’occasion de lire un peu plus de trois cents lettres écrites par la famille Brontë. Publiées pour la première fois en français grâce à Constance Lacroix, elles couvrent une longue période, du 27 novembre 1821 – peu après la mort de l’épouse du révérend Patrick Brontë et mère de ses six enfants – au 31 mars 1855, date à laquelle meurt Charlotte Brontë, la voix prédominante de cette correspondance. Constance Lacroix qui les a choisies parmi les mille lettres réunies dans l’édition anglaise de Margaret Smith*, en a fait une traduction annotée remarquable. Cet ensemble se révèle passionnant qui privilégie une « dimension intimiste » et constitue une sorte de roman autobiographique. Il permet de suivre la vie quotidienne de cette famille hors norme, d’assister à leur collaboration littéraire, d’entrevoir la personnalité de chacun, de favoriser une lecture éclairée de leurs œuvres...
Charlotte Brontë devient l’aînée de la fratrie après la mort en 1825 de Maria et Elizabeth (âgées respectivement de 11 et 10 ans). Elle a un frère, Branwell, dont on découvre quelques lettres qui le montrent vulnérable, et deux sœurs, Emily et Anne qui publieront en décembre 1847 sous les pseudonymes masculins d’Ellis Bell et Acton Bell, Les Hauts de Hurlevent (Emily) et Agnès Grey (Anne). Charlotte opte pour Currer Bell. Jane Eyre paraît en octobre de la même année. Puis, suivront Shirley (1849), Villette (1853) et Le Professeur, son premier roman, publié à titre posthume en 1857, que les éditeurs avaient refusé dix ans plus tôt. Un second livre d’Anne Brontë voit le jour en 1848, La Recluse de Wildfell Hall. « C’est du travail que doit venir la guérison, et non de la compassion — le travail seul triomphe des chagrins les plus tenaces » écrit Charlotte à son ami l’éditeur W. S. Williams en 1849 alors qu’elle vient de perdre en moins d’un an, son frère et ses deux sœurs. Avec sa confidente Ellen Nussey, W. S. Williams est l’un de ses principaux correspondants... « Anne, depuis l’enfance, semblait se préparer à mourir avant l’heure – Emily paraissait animée d’une force qui pouvait la porter bien avant dans sa maturité – Et voici qu’elles s’en sont allées toutes deux – Et ce pauvre Branwell aussi – et Papa n’a plus que moi – la plus faible – la plus chétive – la moins prometteuse de ses six enfants. La consomption a emporté les cinq autres » écrit-elle encore à son ami. Les lettres sont empreintes d’humilité, de pudeur, parfois d’une grande mélancolie, d’un esprit critique, franc et même d’un humour caustique.
Irène Jacob et Danièle Lebrun ont lu les Lettres choisies de la famille Brontë le 23 juin à Toulouse, au Marathon des Mots (chapelle des Carmélites). L’édition des Lettres et le festival sont soutenus par la Fondation La Poste.
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*The Letters of Charlotte Brontë, 3 vol., 2004.