Sur la couverture du livre de Caroline Deyns, le titre, Trencadis, s’inscrit en lettres jaunes sur un portrait en noir et blanc de Niki de Saint Phalle qui pose, en 1949, pour le photographe Arnold Newman. À cette époque, Niki de Saint Phalle (1930-2002), « dont le rire a toujours allégé la peine », n’a pas commencé à peindre ni à sculpter. Elle est mannequin et mariée au poète américain Harry Mathews. Elle découvrira quelques années plus tard, à Barcelone, le parc Güell et sera fascinée par les mosaïques catalanes d’Antoni Gaudí dont la technique, le trencadis, utilise des morceaux cassés et dépareillés de faïence ou de verre de couleur qui suivent les courbes des surfaces. Après Perdu, le jour où nous n’avons pas dansé (Philippe Rey, 2015), un roman consacré à la danseuse Isadora Duncan, Caroline Deyns s’intéresse à la figure de la plasticienne qui a accédé à une notoriété internationale dans les années 1960 avec sa série des Nanas, statues de femmes opulentes, aux couleurs vives et à la « gaieté féroce ». L’une d’elles, une « femme-cathédrale », monumentale, dans laquelle les visiteurs entrent pour trouver dans ses entrailles des mécanismes de Jean Tinguely et des assemblages de Per Olof Ultvedt, est intitulée Hon (« elle » en suédois) et exposée en 1966 au Moderna Museet de Stockholm. Elle connaît un immense succès et fait partie des installations réalisées en collaboration avec Jean Tinguely, comme la Fontaine Stravinsky à Paris ou le Jardin des Tarots en Toscane.
Le livre de Caroline Deyns, publié chez Quidam éditeur, est captivant. Son intérêt tient non seulement à l’évocation de l’œuvre de Niki de Saint Phalle et des événements marquants de sa vie mais aussi à l’écriture elle-même, à la multiplicité des voix, à la composition du texte morcelé qui suggère à la fois la technique du trencadis et les différentes facettes de la personnalité de l’artiste.
Édito