« Cher et noble ami, cela me fait tant de bien de vous parler, particulièrement en ce moment où vos perceptions des choses, issues d’un autre sang et d’une autre langue, ne sont pas tout à fait au diapason des miennes, et que je ressens justement dans ce désaccord tout le bienfait d’une véritable compréhension. » Stefan Zweig à Romain Rolland, le 13 avril 1915.
Ils ont entretenu une correspondance pendant trente ans, de 1910 à 1940, une amitié fervente, malgré les guerres et les désaccords politiques. Européens convaincus, pacifistes, Romain Rolland (1866-1944), auteur de la suite romanesque Jean-Christophe, du manifeste Au-dessus de la mêlée, prix Nobel de littérature en 1915, passionné de musique, de culture allemande, et Stefan Zweig (1881-1942), autrichien, s’intéressant aux littératures francophones et anglophones, traducteur, biographe, auteur de nouvelles, du Joueur d’échecs, et de La Confusion des sentiments, d’un livre testament, Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen ont œuvré au rapprochement des peuples et des cultures. Un premier tome de leur correspondance intégrale – il y en aura trois –vient de paraître chez Albin Michel, grâce au travail éditorial de Jean-Yves Brancy, docteur en histoire contemporaine, et de Siegrun Barat pour la traduction de certaines lettres de Zweig écrites en allemand. Le volume s’achève en novembre 1919, réunit 310 lettres qui concernent principalement la Première Guerre mondiale pendant laquelle le Français et l’Autrichien se dressent contre l’obligation imposée par la presse et la plupart des intellectuels de haïr l’ennemi. Cette publication, témoignage exceptionnel de l’histoire intellectuelle et politique du XXe siècle, permet de redécouvrir la pensée, la vie et l’œuvre de Romain Rolland dont le 150e anniversaire sera célébré en 2016.
Édito