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La vie épistolaire d'Henriette d’Angeville de Marc Forestier. Par Gaëlle Obiégly

édition décembre 2021

Articles critiques
Couverture des deux tomes côte à côte. Format à l'italienne

Henriette d’Angeville a 44 ans quand elle entreprend l’ascension du Mont-Blanc. Ses qualités exceptionnelles d’endurance et son courage à surmonter le mal des montagnes forcent l’admiration de ses guides.
À Chamonix, elle suscite une ferveur populaire. Ses lectures préalables des Voyages dans les Alpes d’Horace-Bénédict de Saussure et des récits d’ascension, sa consultation des grands médecins genevois sur la préparation physique et les conseils de diététique, le soin minutieux apporté à la confection de son équipement, sa détermination à surmonter les terreurs inspirées par les glaciers et les préjugés sur la faiblesse supposée des femmes, la désignent aujourd’hui comme une figure pionnière de l’alpinisme féminin. Dans la foulée, elle œuvre à l’Album du Mont-Blanc pour lequel sont sollicités des artistes. Notamment Jean Dubois, un Genevois. Il lui est demandé d’enrichir de gouaches le monument artistique que Henriette d’Angeville veut tirer de son exploit. Tous les peintres et dessinateurs genevoix ont été mis à contribution. Ils travaillent « sous les yeux » de la demoiselle. C’est rapporté par l’historien et romancier Charles Dubois qui, dans ses mémoires, fait le portrait de « Mademoiselle d’Angeville, aux allures viriles et tout à fait sans gêne ». Les deux volumes consacrés à sa vie épistolaire nous mettent dans l’intimité de cette célébrité du monde des ascensionnistes. Une femme obstinée qui a remplacé la devise de sa noble famille par la sienne, qui illustre son caractère : vouloir, c’est pouvoir. Elle a enchaîné les conférences à Paris entre 1840 et 1841 pour présenter son Album du Mont-Blanc, qu’elle n’a jamais réussi à faire éditer dans sa version illustrée. Malgré sa ténacité. C’est en 1987, seulement, que sera publié sous le titre Mon excursion au Mont-Blanc, cet ouvrage auquel elle a consacré toutes ses ressources. Le premier de ses deux livres en format à l’italienne – donc à laisser à plat sur une table – nous expose tout ce qui touche à la vie d’Henriette. Sa famille, ses exploits, ses passions, sa foi, ses idées, ses lieux... Ce sont des descriptions, des extraits de lettres, des dessins. Henriette, nous dit-on, a une curiosité boulimique pour son pays. Elle lit des ouvrages sur la géographie, l’histoire, l’archéologie du Bugey. Il se situe entre Lyon et Genève. C’est une femme intrépide, les témoignages concordent. Pourtant, les mouvements d’insurrection populaire la terrorisent. Indéniablement, parce qu’elle est née sous la Terreur et fut déclarée sous la surveillance de deux gendarmes. On la nomme, sur les registres d’État civil, Pensée Dangeville, née le 20 ventôse de l’an II. La Révolution s’immisce parfois dans le langage pour lui apporter de l’étrangeté. De la poésie, donc.
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Marc Forestier,
La vie épistolaire d’Henriette d’Angeville.
Préface de Peter Southan (historien canadien).
460 illustrations dont plus de 100 dessins de Marc Forestier
Éditions Histoires du Haut, 406 pages,
en deux tomes. 38 €, 2021.
Commandes : marc.forestier9@orange.fr